mardi 29 mars 2011

L'improvisation classique et enthousiaste par Rudolf Lutz

Ce soir-là à Kirchdorf, un petit village d'Argovie, fleuri et à l'atmosphère campagnarde comme il se doit d'un village suisse, l'Eglise catholique du lieu accueillait Rudolf Lutz, improvisateur de Sankt-Gallen.
L'assistance est nombreuse pour un concert d'orgue (enfin, moi qui ai l'habitude des églises vides en France...). Et elle est jeune ! Toutes les tranches d'âge sont représentées, ce qui est aussi particulièrement rare. L'explication ? On la trouve dans l'originalité et la fraîcheur du programme de ce soir.
Un programme très sérieux...
Pourtant, le programme commence très gravement avec une improvisation sur une expression japonaise (gambate, ce qui signifie courage ou force) en hommage aux victimes nombreuses du tsunami, tremblement de terre et de la catastrophe nucléaire en cours.
Le programme de ce soir était tout autant sérieux avec un prélude et fugue (BWV 547 en do Majeur de JS Bach) et d'un choral du même Bach (Ô schmucke dich o liebe Seele) très solennels aux premier abord.
... administré par un professeur un brin facétueux
Mais le concertiste ne se contente pas de jouer, il explique et parfois longtemps. Il chante les motifs, donne quelques éléments d'explication sur la forme. Et surtout, il se donne le prétexte pour réaliser des miniatures improvisées sous forme de Sarabande, Ciacone ou même un premier mouvement de sonate en trio, où chacun aura très clairement reconnu le ou les thèmes que l'organiste aura précédemment cités. Le concert devient alors pédagogie et l'improvisation devient accessible et compréhensible. Certes, Rudolf Lutz se donne un peu en scène, il joue un peu sur sa facilité à manier les formes classiques et les thèmes musicaux. Mais il fait passer avec un certain génie un certain nombre de messages, et surtout celui qui est le plus important : la musique classique et ses règles particulièrement sévères en première apparence peuvent être compréhensibles par tous !
Avant de conclure solennellement le concert par la fugue du Prélude dans la grande tradition de JS Bach, Rudolf Lutz se laisse aller à un petit moment hors des traces du grand Bach pour une petite pièce autour des oiseaux, accompagné pour cela par une petite assistante de 6 ans qui aura la grande responsabilité de tirer le registre du Rossignol (Volgelsang)* alternant aux improvisations tout aussi campagnardes de Rudolf Lutz, ce qui produit un effet assez amusant.

Ce soir, j'ai eu la confirmation de ce que je savais depuis longtemps déjà : Rudolf Lutz est non seulement un organiste fantastique et complet mais un pédagogue enthousiaste et original, ce qui n'est pas facile lorsque l'on parle de deux choses très ambitieuses : l'improvisation et l'oeuvre de JS Bach.
Les enfants émerveillés (comme moi) ont donc pu passer une fin d'après-midi à regarder Maître Lutz, jongler avec les notes comme Dora l'exploratrice joue avec les étoiles.

* le Rossignol (ici appelé Vogelsang) est un mécanisme permettant de reproduire le chant d'un oiseau à l'aide d'un réservoir d'eau et d'une arrivée d'air.